Depuis de nombreuses années, l’Union Syndicale Luxembourg (USL) a tiré le signal d’alarme au sujet de la disparité de pouvoir d’achat croissante entre les agents de l’UE basés à Luxembourg et ceux basés partout ailleurs dans le monde, en Europe et hors Union.

A l’origine de cette disparité, l’absence, dans le cas du site de Luxembourg, d’un mécanisme de compensation de la différence de coût de la vie entre le Luxembourg et le pays de référence, la Belgique.

En effet, comme on peut le voir entre autres sur l’image ci-dessous, le coût de la vie présente de grandes différences à l’intérieur de l’Europe, et à plus forte raison à travers le monde.

La source de données comparatives « étalon », faisant référence, est Eurostat (DG ESTAT). Ceci devrait être un axiome fondamental de la géométrie institutionnelle européenne. Mais la Commission a affaibli elle-même cette vérité axiomatique en choisissant de confier en 2018 une étude sur le coût de la vie non pas à Eurostat, mais à la société privée AirInc, filiale du groupe japonais Relo Holdings.

Nous avons dès lors choisi d’illustrer ce propos avec les chiffres de Numbeo, un site collaboratif très populaire. Les résultats ne diffèrent pas beaucoup de ceux d’Eurostat et d’autres sources, même si les méthodologies peuvent varier.

L’intérêt de l’approche de Numbeo est qu’elle présente séparément  un « rent index » (le coût du logement) et un « cost of living (excluding rent) »

Les chiffres de Numbeo, rapportées par convention au coût de la vie à New York (Etats-Unis d’Amérique) permettent de comparer le coût de la vie à différents endroits en Europe et dans le monde, et cela sur plusieurs axes : les différences de coût liées aux prix des produits de première nécessité, les différences de coût liées au coût du logement, etc.

Nous remarquons ainsi que, selon Numbeo :

  1. Dans l’ensemble, le Luxembourg est le 2ème pays le plus cher de l’Union Européenne, derrière le Danemark.
  2. A 70,13 % (du coût de New York), le coût de la vie combiné à Luxembourg (incluant donc le logement) est très au-dessus de celui de la Belgique (49,63 du coût de New York)
  3. Cependant, même lorsqu’on enlève le coût du logement, le coût de la vie à Luxembourg (hors coût du logement) reste, à 84,38%, sensiblement supérieur au coût de la vie en Belgique (73,59% par rapport à New York)

Si les différences de coût de la vie entre la Belgique d’une part et le Danemark, la France, ou d’autres pays de l’Union d’autre part ne causent pas de sérieux problèmes, c’est parce que l’Union Européenne s’efforce d’assurer une égalité de traitement de ses agents, où qu’ils soient assignés. Pour tous les sites où des agents de l’UE sont en poste il existe un mécanisme qui permet de compenser les différences de coût de la vie.

Ce mécanisme s’appelle le « coefficient correcteur » et il s’applique partout dans le monde, aussi bien au Danemark qu’en Bulgarie et même au-delà, pour les agents représentant l’Union aux Etats-Unis ou en Australie par exemple.

« Partout dans le monde » ? Non, car un pays en est explicitement exclu : le Luxembourg (art. 64§3 du Statut). Les différences de coût de la vie entre le Luxembourg et la Belgique, même lorsqu’on exclut le coût du logement, sont, de tous les pays, les seules à ne pas être compensées par un « coefficient correcteur ».

Toutes les organisations syndicales et professionnelles s’accordent à dire que cela est premièrement une injustice et ensuite un sérieux handicap pesant sur l’attractivité du site de Luxembourg. Nous nous accordons tous également sur le besoin d’apporter une solution urgente à ce problème.

 Quant à la solution à apporter, la société privée AirInc, filiale du groupe japonais Relo Holdings, avait avancé l’idée d’une indemnité de logement. Nonobstant les détails pratiques d’implémentation d’une telle indemnité, l’USL se pose plusieurs questions :

  1. Comment est-ce qu’une potentielle « indemnité de logement » compensera la différence de coût de la vie hors logement (84,38% pour le Luxembourg, 73,59% pour la Belgique – les deux par rapport à New York) ?
  2. Est-ce que la question de l’égalité de traitement, de la justice et de la non-discrimination entre agents de l’UE peut être considérée réglée lorsqu’un pays de l’Union, le Luxembourg, est traité de manière différente de tous les autres (qui bénéficient, eux, d’un coefficient correcteur) ?
  3. Subsidiairement, si une telle indemnité de logement venait à être implémentée à Luxembourg, est-ce que cela ne constituera pas un précédent pour d’autres pays de l’UE qui pourraient demander également l’application d’un tel nouvel instrument, en complément à leur coefficient correcteur, ouvrant ainsi une boîte de Pandore ? Cela pourrait être par exemple le cas de l’Irlande, dont le « rent index » est, à 41,63%, très au-dessus de celui de référence de la Belgique (24,40%, voir tableau au-dessus)