Désamour pour la fonction publique européenne : l’exemple de Nathalie

Dans A la UnePolitique-Société Mis à jour le 17/05/22 7:34 | Publié le 16/05/22 5:00
Contrairement aux salariés de droit luxembourgeois, les agents contractuels ne voient pas leur salaire évoluer en ligne avec l’économie. (Photo archives lq/alain rischard)

L’Union syndicale Luxembourg lutte depuis des années pour une revalorisation de la fonction publique européenne qui n’attire plus à Luxembourg. Elle cite l’exemple éloquent d’une éducatrice.

Nathalie pâlit quand elle compare sa fiche de salaire avec celle de ses collègues employés sous statut salarial luxembourgeois. Pourtant, cette éducatrice graduée, en poste depuis 2007 au Centre polyvalent de l’enfance (CPE) des institutions européennes, avait cru trouver l’eldorado. «Un mirage», comme le qualifie l’Union syndicale Luxembourg (USL), qui regroupe des fonctionnaires et agents de l’UE.

Des salaires supposés élevés

C’est son exemple qui va servir à illustrer la grande désillusion que regrette le syndicat. «Nathalie a beaucoup entendu parler des fonctionnaires et agents européens, de leurs salaires supposés élevés, de leurs privilèges en matière d’impôts… En intégrant le CPE des institutions européennes, elle pourra devenir l’une d’eux!», raconte l’USL. Elle quitte en 2007 un foyer de jour en Belgique d’où elle est originaire, séduite par la fonction publique européenne, dont le statut a été réformé trois ans plus tôt.

Le statut d’agent contractuel a fait son apparition et le syndicat explique qu’il est utilisé depuis 2004 «pour occuper des postes qui auraient auparavant été destinés à des fonctionnaires européens de catégorie D, C, B, voire, dans certains cas, A, lorsque les institutions et notamment la Commission européenne (responsable administrative du CPE), estimaient qu’il s’agissait de postes non permanents».

Trois ans de CDD avant un CDI

Nathalie s’est vu proposer un emploi d’éducatrice sous le statut d’agent contractuel de la Commission européenne. Elle ne se plaint pas, son salaire est plus élevé que ce qu’elle touchait en Belgique. «Malgré les exigences requises pour occuper le poste (en plus du diplôme et de parler plusieurs langues, il faut aussi réussir un test de sélection «EPSO»), il lui faudra patienter trois années en CDD avant de décrocher un CDI», poursuit le syndicat.

Ce n’est pas tout ce qui la fait déchanter. Au moment de la réforme en 2004, ses deux collègues déjà en poste avaient eu le choix entre devenir des «salariés de droit luxembourgeois» (SDL) ou signer une embauche en tant qu’agent contractuel (AC).

Le faux Eldorado

Nathalie est consciente que la grille salariale des agents contractuels commence en dessous du salaire social minimum luxembourgeois, mais elle n’est pas mal lotie. «Elle n’est pas mécontente de sa situation, car cela pourrait être pire.»

Cependant, en partageant une copie de sa dernière fiche de paie, l’éducatrice graduée montre l’écart «entre la réalité montrée par sa paie et « l’eldorado » que tout le monde, elle-même y compris, pensait trouver en rejoignant les institutions européennes», insiste le syndicat qui lutte depuis des années contre les discriminations salariales existantes. Il qualifie le milieu des quelque 200 éducateurs de la Commission de  «jungle sociale» en matière de conditions d’emploi. Pour le même métier, l’USL recense de nombreux agents contractuels dans différents «groupes de fonction», des salariés de droit luxembourgeois (SDL), sous convention SAS ou pas et des intérimaires dont certains depuis plus de 15 ans sur des postes fixes, selon le syndicat.

Un écart sidéral

Nathalie désespère de voir un jour les salaires des agents contractuels être corrigés pour les faire évoluer en ligne avec l’économie luxembourgeoise comme c’est le cas de salariés sous statut luxembourgeois. «Cela aurait été plus facilement accepté si les évolutions n’avaient pas été aussi divergentes», admet le syndicat.

Si Nathalie avait été «salariée de droit luxembourgeois» avec un contrat régi par la convention collective de travail SAS et ses 15 ans d’ancienneté dans la fonction publique, sa rémunération aurait été de 420 points qui, ajustés à l’indice en vigueur en mai 2022 donne une valeur de 21,20 euros pour un point.

Le salaire brut mensuel de Nathalie aurait donc été de 8 904,09 euros si elle avait été salariée de droit luxembourgeois plutôt que «fonctionnaire européen». Elle se contente de ses 2 979,73 nets, mais tient à avertir, en tant que membre de l’USL que la fonction publique européenne n’est plus ce qu’elle était.

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