Arrêts et Jurisprudence

Pourvoi « Picard » – une nouvelle victoire sous impulsion USL en faveur des Agents Contractuels

Mais la vigilance reste de mise….

Le 15 décembre 2022, la Cour de Justice de l’UE (deuxième chambre) annulait l’arrêt du Tribunal de l’UE du 24 mars 2021, la réponse du PMO du 4 janvier 2016 ainsi que la décision de la DG RH du 25 juillet 2016 et décidait que Maxime Picard, agent contractuel de la Commission depuis 2008 ayant changé de contrat après l’entrée en vigueur du Statut 2014 devait se voir appliquer le taux d’acquisition des droits à pension (1,9%) et l’âge de départ à la retraite (64 ans et 8 mois) correspondant aux conditions en vigueur à la date de son entrée en service (Statut 2004).

Une saga judiciaire d’environ 8 ans s’achevait avec une belle victoire pour Maxime et pour l’Union Syndicale Luxembourg, rejointe en pourvoi par d’autres syndicats, qui les ont soutenus dans son juste combat au bénéfice des agents contractuels.

Bref rappel du cas

Maxime Picard a commencé sa carrière à la Commission en 2008 comme agent contractuel GF I au PMO Luxembourg. En vertu du Statut en vigueur à l’époque (Statut 2004), il bénéficiait d’une accumulation des droits à pension au taux de 1,9% par an et d’un âge de départ à la retraite de 64 ans et 8 mois.

En mai 2014, la Commission lui a proposé un nouveau contrat comme agent contractuel GF II, sans changement de son affectation. Un nouveau Statut était entré en vigueur en janvier 2014, prévoyant un taux d’accumulation des droits à pension plus faible de 1,8% par an et un âge de départ à la retraite retardé à 66 ans.

Dans le doute, en janvier 2016 Maxime a demandé des explications au gestionnaire du secteur « Pensions » du PMO, qui lui a répondu que ses droits à pension avaient changé en raison du changement de contrat, et étaient donc devenus moins favorables.

Devant cette injustice, Maxime – conseillé et assisté par l’USL – a introduit une réclamation au titre de l’article 90, par. 2 du Statut. La DG RH a rejeté cette réclamation à titre principal comme irrecevable faute « d’acte faisant grief » et, à titre subsidiaire, comme non fondée.

Procédure devant le Tribunal

Avec l’aide financière et le soutien de l’Union Syndicale Luxembourg, – alors seule à supporter le dossier – Maxime a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de la réponse du PMO et, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de sa réclamation (T-769/16).

Or à peu près à la même époque, un cas similaire devait être jugé, concernant cette fois-ci un agent temporaire (T-128/17, Torné/Commission). Le Tribunal a suspendu l’affaire de Maxime dans l’attente du jugement « Torné ». Or dans ce cas, le Tribunal a donné raison à l’agent temporaire et a confirmé que ses droits à pension devaient continuer à être calculés selon les dispositions du Statut en vigueur à la date de la première entrée en service (pré-2014), quand bien même une nomination dans une autre agence était intervenue pour Mme Torné postérieurement à l’entrée en vigueur du Statut 2014.

A la reprise de l’affaire Picard, nous avons été confrontés, de manière inattendue à une interprétation différente : le Tribunal a estimé que si « l’analogie » mentionnée par les « dispositions transitoires » pouvait être retenue pour un agent temporaire, elle n’était pas justifiée pour un agent contractuel ! Le Tribunal a donc rejeté le recours de Maxime.

Pourvoi devant la Cour de Justice de l’UE

Union Syndicale Luxembourg, en partenariat désormais avec les autres syndicats de l’Alliance, du Rassemblement Syndical et de Generation 2004, a continué de soutenir Maxime dans son pourvoi devant la Cour de Justice de l’UE.

En juillet 2022, les conclusions de l’Avocat Général laissaient entrevoir une lueur d’espoir : en effet, celui-ci estimait que l’interprétation que le Tribunal avait fait du mot « analogie » des dispositions transitoires était discutable. En réinterprétant les faits du litige dans le contexte, il concluait que l’action de Maxime était admissible et, surtout, que le législateur avait eu l’intention d’appliquer les dispositions transitoires à tout le personnel, sans distinction entre fonctionnaires et « autres agents ». Dès lors, il estimait, comme Maxime avait argumenté, et à la différence du Tribunal, que l’argument qui devait prévaloir était la continuité d’affiliation au régime de pensions.

Par son arrêt du 15 décembre, la Cour de Justice de l’UE suivait les conclusions de l’Avocat Général et estimait, au point 81 de l’arrêt C-366/21-P, que le Tribunal avait commis une erreur de droit. Aussi elle annulait l’arrêt T-769/16, la réponse du gestionnaire du secteur « Pensions » du PMO ainsi que la décision de la DG RH de rejet de la réclamation de Maxime.

L’USL demande l’application de la Jurisprudence Picard aux autres agents concernés, et ce dans toutes les Institutions

Il est manifeste que des dizaines d’agents contractuels se trouvant dans une situation analogue, s’attendent à une régularisation identique à celle arrêtée par la Cour de justice européenne pour le dossier Picard.

Néanmoins, une Information administrative de la Commission tardant à voir le jour, les agents contractuels concernés s’en inquiètent ! À juste titre ?

Afin d’éviter une inflation de contentieux coûteuse et non nécessaire visant à l’application de la jurisprudence Picard, l’USL en appelle à la Commission et aux autres Institutions- sur base du principe de bonne gestion administrative – et comme ce fut le cas il y a plusieurs années dans l’affaire Alexopoulou, où après quelques hésitations la Commission condamnée, décida d’appliquer d’office le contenu de l’arrêt à tout le personnel affecté.

En attendant une rapide régularisation, restons vigilants pour une application généralisée de cette importante jurisprudence !

Arrêt du Tribunal (première chambre élargie) du 24 mars 2021

Maxime Picard contre Commission européenne

Fonction publique – Agents contractuels – Réforme du statut de 2014 – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Changement de régime à la suite de la signature d’un nouveau contrat d’agent contractuel – Notion d’“être en fonction”

Affaire T-769/16

L’arrêt rendu par la Tribunal dans l’affaire Maxime Picard c/ Commission européenne (T-769/16) fait état d’une manière subtile d’une dissociation du statut et du RAA.

Le requérant avait été engagé en tant qu’agent contractuel une première fois en 2008 sur base d’une sélection EPSO/CAST/25/05 GF I. Cependant, le requérant était également lauréat de la sélection EPSO/CAST/27/07 GF II pour laquelle il fallait documenter une expérience professionnelle minimale de 3 années. Le requérant n’avait pas documenté cette expérience lors de son premier recrutement raison pour laquelle il avait été engagé sur base du CAST/25/05.

Fin 2012 le requérant produisait des attestations par ses anciens employeurs documentant l’expérience exigée pour le CAST/27/07. Cet élément nouveau a été accepté et reconnu  par la Commission européenne et avait comme effet qu’elle a procédé non pas à un reclassement, mais en mettant un terme au contrat initial (AC GF I) et en proposant le 16 mai 2014 un nouveau contrat sur base du CAST/27/07 GF II.

Cette interruption de contrat avait comme effet que les nouvelles dispositions statutaires (entrées en vigueur le 1er janvier 2014) s’appliquaient, malgré que les tâches fussent identiques pour les deux contrats et ne présumaient donc pas une interruption de contrat mais plutôt un reclassement comme cela avait été demandé par le passé par le requérant.

Une des conclusions du Tribunal était de retenir la mise en place d’un nouveau contrat signé par le requérant et que par conséquent il y avait interruption et pas continuité. Le Tribunal dans sa motivation raisonne que le Régime applicable aux autres agents (RAA) n’est pas identique au statut et donc que l’arrêt Torné c/ Commission européenne (T-128/17) ne serait pas applicable par analogie dès lors qu’il s’agit de deux régimes distincts.

Arrêts du Tribunal rendus le 23 septembre 2020

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercices de promotion 2014 à 2017 – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 8 – Droit d’être entendu »

Objet:

Recours tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO du 6 juin 2018 de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 8 au titre des exercices de promotion 2014 à 2017 (la décision attaquée).

Dispositif:

La décision attaquée est annulée.

L’EUIPO est condamné aux dépens.

Observations:

Le requérant est fonctionnaire de l’EUIPO de grade AST 7. Il est titulaire de ce grade depuis le 1er avril 2009. Depuis le 10 juin 2013, il est en congé de maladie.

En raison de son absence justifiée, les rapports d’évaluation pour les années 2013 à 2016 n’ont pas été finalisés.

Par arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO, le Tribunal a annulé la décision de l’AIPN du 24 juillet 2015 établissant la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2015 en tant que le requérant n’avait pas été pris en considération pour celui-ci.

Par lettre du 6 juin 2018, transmise par courriel du 11 juin 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a informé le requérant que les exercices de promotion le concernant encore ouverts, à savoir ceux qui portaient sur les années 2014 à 2017, avaient finalement été clos. L’AIPN a par ailleurs indiqué au requérant que, après examen comparatif des mérites, son nom n’avait pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires promus au grade AST 8, ni au titre de la procédure de promotion de 2014 ni au titre de celles de 2015 à 2017.

Le requérant soutient que la décision attaquée est illégale au motif qu’elle a été adoptée sans qu’il ait eu l’opportunité de présenter, au préalable, des observations et d’avancer des arguments au soutien de sa demande de promotion, et ce en violation du droit d’être entendu tel que consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et concrétisé par l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45.

Le Tribunal rappelle, dans cet arrêt également, les principes applicables en ce qui concerne le droit d’être entendu :

  • le droit d’être entendu est inclut dans le droit à une bonne administration, tel que consacré par l’article 41 de la Charte, lequel est d’application générale ; toute personne doit être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (26) ;
  • le droit d’être entendu doit être assuré même en l’absence de réglementation applicable (27) ;
  • ce droit exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à son endroit dans l’acte à intervenir (27) ;
  • il poursuit un double objectif : d’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé ; il vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (28) ;
  • il implique également que l’administration prête toute l’attention requise aux observations ainsi soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (29) ;
  • ce droit doit permettre à l’administration d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours (30) ;
  • enfin, l’existence d’une violation du droit d’être entendu doit être appréciée en fonction, notamment, des règles juridiques régissant la matière concernée (31).

En l’espèce, à la suite de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO, l’EUIPO a considéré le requérant comme promouvable et a finalisé les procédures de promotion afférentes aux années 2014 à 2017. En l’occurrence, l’EUIPO a procédé à une comparaison des mérites parmi les fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade AST 8 pour les exercices de promotion 2014 à 2017 afin d’adopter une décision sur la promotion du requérant pour chacune de ces années.

Pour le Tribunal, dès lors que, d’une part, en raison de son congé de maladie, les rapports d’évaluation du requérant pour les exercices de promotion 2014 à 2017 n’ont pas pu être finalisés et que, d’autre part, l’EUIPO a repris l’exercice de promotion à partir de la phase de comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, le droit du requérant d’être entendu ne pouvait plus, dans les circonstances particulières de l’espèce, être exercé dans les conditions prévues par l’article 43, troisième alinéa, du statut et par l’article 5, paragraphe 7, des DGE de l’article 45.

Néanmoins, le Tribunal estime que, conformément à la jurisprudence précitée, l’EUIPO devait, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, mettre le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pouvaient être retenus à son endroit avant de prendre la décision de ne pas le promouvoir (40).

Le Tribunal examine donc, pour chaque procédure de promotion reprise en 2018, si le requérant aurait à nouveau dû avoir la possibilité d’exercer son droit d’être entendu. Tenant compte des circonstances propres à chaque reprise de procédure, le Tribunal conclut que l’EUIPO n’a garanti au requérant le droit d’être entendu à aucun stade des procédures de promotion pour les années 2014 à 2017, telles que reprises en 2018, avant que la décision attaquée n’ait été prise (41-51).

Le Tribunal relève cependant que, pour qu’une violation du droit d’être entendu puisse aboutir à l’annulation de la décision attaquée, il est encore nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (52).  À cet égard, il rappelle qu’en vertu de la jurisprudence, il ne saurait être imposé à la partie requérante qui invoque la violation de son droit d’être entendu de démontrer que la décision de l’institution concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (53).

Sur la base des arguments invoqués par le requérant, qui se rapportent directement aux motifs de la décision attaquée, sur lesquels il n’a pas été entendu, le Tribunal estime qu’il ne peut exclure que, si l’EUIPO avait mis le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant à chacune des circonstances évoquées par l’EUIPO dans la décision attaquée, la décision aurait raisonnablement pu aboutir à un résultat différent (55).

Le Tribunal accueille par conséquent le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu et annule la décision attaquée.

Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 14 décembre 2018

Isabel Torné contre Commission européenne

Fonction publique – Fonctionnaires – Réforme du statut de 2014 – Congé de convenance personnelle – Engagement concomitant en tant qu’agent temporaire – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Demande de décision anticipée – Acte faisant grief – Finalité des mesures transitoires – Application ratione personae – Entrée en service

Affaire T-128/17

Texte officiel de l’arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 22 mai 2014

« Fonction publique – Rémunération – Allocations familiales – Allocation pour enfant à charge – Double allocation pour enfant à charge – Article 67, paragraphe 3, du statut – Conditions d’octroi – Solution à l’amiable entre les parties suite à l’intervention du Médiateur européen – Mise en œuvre – Devoir de sollicitude »

Note résumée de l’arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 14 mai 2014

« Fonction publique – Agent contractuel – Recrutement – Appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/2010 »

Note résumée de l’arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 23 octobre 2013

« Fonction publique – Agent contractuel – Article 3 bis du RAA – Non- renouvellement d’un contrat – Devoir de sollicitude – Intérêt du service – Examen complet et circonstancié au sein de l’ensemble des services des possibilités d’emploi correspondant aux tâches prévues au contrat »

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 25 septembre 2013

« Fonction publique – Agent contractuel – Recrutement – Appel à manifestation d’intérêt EPSO/CAST/02/2010 – Conditions d’engagement – Expérience professionnelle appropriée – Rejet de la demande d’engagement »

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 28 Juin 2011

Concerne le « Transfert interinstitutionnel au cours de l’exercice de promotion pendant lequel le fonctionnaire aurait été promu dans son institution d’origine »

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE du 28 octobre 2010, F‑92/09, U/Parlement,

« Fonction publique – Fonctionnaires – Décision de licenciement – Devoir de sollicitude – Insuffisance professionnelle – Raisons médicales »